Se confronter aux forces du mal

Se confronter aux forces du mal

08 décembre 2023 Peter Selg 34 vues

L’étude du national-socialisme par la section d’anthroposophie générale passe par une confrontation avec la puissance des forces du mal et le courage de survivre.


Le dernier jour du Congrès de Noël de 1923-1924, Rudolf Steiner déclara ceci : « Quand on observe aujourd’hui le monde, s’offre au regard, depuis des années déjà il est vrai, une extraordinaire quantité de substances destructrices. Des forces sont à l’œuvre, qui laissent présager dans quels abîmes la civilisation occidentale va encore s’enfoncer » (GA 260, soirée du 1er janvier 1924).

Si la confrontation avec les forces du mal traverse toute l’œuvre de Rudolf Steiner, elle s’accentua cependant en 1923 après la destruction du Goetheanum, la radicalisation politique de l’Allemagne et la montée du national-socialisme. « En 1933, mes chers amis, il pourrait arriver que périssent la Terre et tout ce qui y vit », dit-il encore en septembre 1924 dans ses dernières conférences (GA 346, 20 septembre 1924). « Il faudrait dire, dans le sens de l’Apocalypse, qu’avant que le Christ éthérique ne puisse être saisi de façon juste par les êtres humains, l’humanité doit d’abord en finir avec la rencontre de la Bête qui se dressera en 1933 » (ibid.).

Confrontation avec le national-socialisme

La confrontation avec de nombreuses questions liées à ce sujet relève aussi des tâches de la section d’anthroposophie générale. Je ne mentionnerai brièvement pour 2023, que quatre chantiers : un voyage d’étude à Weimar et Buchenwald, une recherche historique sur le comportement des médecins anthroposophes sous le national-socialisme, une monographie sur le thème « Anthroposophie et antisémitisme » et un témoignage sur la vie de Jacques Lusseyran.

En avril 2023, avec les participants aux études internationales d’anthroposophie, nous avons passé trois jours à Weimar et au mémorial du camp de concentration de Buchenwald, où furent détenues, entre 1937 et 1945, plus de 250 000 personnes de vingt-six nationalités différentes, dont une sur cinq mourut. Nous nous sommes notamment demandé comment il était possible que l’irruption du mal se soit produite à proximité immédiate de Weimar, ville d’où émanèrent des forces humanistes si essentielles. Nous nous sommes remémorés les mises en garde de Rudolf Steiner et ses initiatives contre cette évolution.

L’étude scientifique menée à l’Institut Ita Wegman sur le comportement du corps médical anthroposophique, des entreprises pharmaceutiques Weleda et Wala et de la survivance des centres de pédagogie curative sous le national-socialisme sera publiée en 2024-2025 aux éditions Schwabe (Bâle) en trois forts volumes. Le premier tome (plus de 900 pages) paraîtra au printemps 2024. Une conférence de presse est prévue à cette occasion à Berlin.

Publié à l’automne 2023 par la section d’anthroposophie générale et élaboré en collaboration avec Udi Levy et Iftach Ben Aharon, le livre Anthroposophie, Judentum und Antisemitismus (Anthroposophie, judaïsme et antisémitisme) a déjà fait l’objet d’un article dans le numero 11, 2023 d’Anthroposophie aujourd’hui. Il contient une contribution autobiographique d’Udi Levy d’une brûlante actualité.

Les forces nées de l’anthroposophie

Le 17 avril 1970, Jacques Lusseyran, survivant de Buchenwald, a parlé dans la Grande Salle du Goetheanum du « courage de survivre » grâce aux forces qu’il avait trouvées dans l’anthroposophie. Cet auteur aveugle avait mis sur pied, dès l’âge de dix-sept ans, le groupe Volontaires de la Liberté, un mouvement de résistance contre le national-socialisme, avec des élèves des lycées parisiens Louis-le-Grand et Henri IV ainsi que des étudiants de la Sorbonne.

Je souhaite à mon petit livre de souvenirs à son sujet, Der Mut des Überlebens. Jacques Lusseyran in Buchenwald (Le courage de survivre. Jacques Lusseyran à Buchenwald), paru à la Saint-Michel, des traductions dans toutes les langues du monde, pour Jacques Lusseyran et pour notre avenir.